L’école des Canardières d’Eyburie

Le 22 mai 1882, l’Inspecteur d’Académie écrivit au Préfet de la Corrèze, pour le prier d’appuyer d’un avis favorable auprès du ministre de l’Instruction publique, la demande de création d’une école mixte au hameau des Canardières émise par le conseil municipal de la commune d’Eyburie. En effet, 275 élèves étaient susceptibles d’être scolarisés à la rentrée et l’école du bourg était trop exiguë et trop éloignée de certains villages pour accueillir tous ces enfants dans des conditions acceptables.

Monsieur le Préfet,
Par une délibération en date du 22 février 1882, le conseil municipal de la commune d’Eyburie a demandé la création d’une école au hameau des Canardières.
Le conseil municipal fait valoir avec raison, à l’appui de sa demande, l’insuffisance de l’école du bourg.
En effet, un assez grand nombre de villages situés dans la partie nord de la commune et qui représentent une population scolaire de 118 enfants se trouvent à une distance moyenne de
4709 m du chef-lieu ; la moitié d’entre eux en sont éloignés de 4,5 et même 7 kilomètres. Dans de pareilles conditions, on ne peut raisonnablement imposer aux enfants une fréquentation régulière.
La création d’une école aux Canardières supprimera toute difficulté, car les villages en question ne seront plus désormais qu’à une distance moyenne de
2900 m environ de l’école (exactement 2919 m).
D’ailleurs, quand même les enfants de ces villages pourraient se rendre à l’école du chef-lieu, celle-ci serait trop étroite pour les recevoir;
En effet, le nombre des enfants de 5 à 6 ans dans la commune s’élève à 49, celui des enfants de 6 à 10 ans à 241 ; on peut admettre que la moitié environ des enfants de 5 à 6 ans et une dizaine de plus de 9 ans demanderont à fréquenter l’école, ce qui porte à 275 le chiffre probable de la population scolaire à partir de l’année prochaine. Or, la superficie totale des salles de classe existantes est à peine de
112 mètres carrés même en se contentant d’un demi-mètre carré par élève ; et je ne crois pas qu’on puisse descendre au-dessous, il n’y aurait place que pour 224 enfants et l’on serait réduit à en refuser 51.
L’école des Canardières pourra recevoir l’excédent et la fréquentation sera ainsi assurée dans la commune.
Il résulte du rapport de Monsieur l’Inspecteur primaire que le local est bien situé, convenable et suffisant pour 50 ou 60 élèves.
Pour les motifs que je viens d’exposer, Monsieur le Préfet, j’estime que la création d’une école mixte aux Canardières est urgente, et qu’il y a lieu d’appuyer d’un avis favorable auprès de Monsieur le Ministre la demande formée par le conseil municipal d’Eyburie.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de mon respectueux dévouement.
L’Inspecteur d’Académie”

 Un bail fut passé à Uzerche en l’étude du notaire Jean-Baptiste-Marie Dupuy, le 20 septembre 1882 entre M. Henri Breuil, propriétaire et M. Martial Joie, maire d’Eyburie. Les locaux se composaient à l’étage d’une salle de classe de sept mètres au carré, d’une cuisine, d’une petite chambre à coucher le tout attenant. Un grenier était situé au-dessus de ces trois pièces. Au rez-de-chaussée, le milieu de l’écurie demeurait libre sur une largeur de 3,30 m et 20 m de long pour servir de préau et de cour de récréation. La location était établie pour 10 ans et pour un montant de 300 F pour la première année et 250 F pour les suivantes, payable par semestre et d’avance. Mais le propriétaire ou le maire se réservaient le droit de la résilier au bout de 5 ans.

 “Par devant Maître Jean-Baptiste Marie Dupuy Notaire à Uzerche (Corrèze) en la ville d’Uzerche et en l’étude, l’an mil huit cent quatre-vingt-deux, et le vingt septembre a comparu : Monsieur Henri Breuil, ancien greffier de la justice de paix demeurant à Uzerche lequel a par les présentes, déclaré affermer à  Monsieur Martial Joie, agissant en qualité de maire de la commune d’Eyburie demeurant à Sagnes ici présent et acceptant, les immeubles ci-après désignés qui se trouvent situés au lieu des Canardières commune d’Eyburie, pour y établir une école de hameau, savoir :
une chambre de sept mètres au carré environ destinée à la salle d’école, une cuisine, une chambre à coucher, le tout attenant sur le même palier et situé au rez-de-chaussée du bâtiment qui se trouve en face de l’habitation du fermier des Canardières, et tout le grenier qui se trouve sur ces trois appartements, de plus une étable à porcs placée dans un petit bâtiment qui se trouve en face de la porte d’habitation ou d’entrée des appartements ci-dessus. Il demeure convenu que le milieu de l’écurie qui se trouve au-dessous des appartements plus haut désignés, demeure libre pour servir de préau et de salle de récréation pendant les jours de pluie ou de mauvais temps. Les deux côtés de cette écurie demeurent réservés pour les besoins du fermier pour placer ses outils d’agriculture.
Néanmoins, l’instituteur ou l’institutrice pourra y mettre son bois de chauffage ; plus un carreau  de jardin de douze à treize mètres carrés environ à prendre dans la partie de jardin placé derrière la maison du fermier. [...]” 


L’école ouvrit donc ses portes à la rentrée 1882 dans un local situé en face du relais des Canardières.

Le bâtiment aujourd'hui

 Au moment du renouvellement du bail en 1892, dans une lettre datée du 12 octobre et adressée au préfet, l’inspecteur d’Académie formula différentes observations, à savoir :

le logement de l’institutrice est insuffisant, il s’agit de créer une chambre supplémentaire dans le bâtiment
     — les préaux sont dangereux, car les enfants y jouent à proximité des animaux et des outils agricoles, le propriétaire doit donc céder la maison                  entière
     — la salle de classe est obscure, il y a lieu d’y percer deux fenêtres supplémentaires pour l’éclairer
     — la commune doit se réserver le droit de résiliation dans le cas de construction ou d’acquisition d’une autre maison d’école.

Un nouveau contrat fut donc rédigé à Eyburie le 13 novembre 1892 entre Henri Breuil et le maire, Pierre Maze. Il prévoyait aux frais du propriétaire l’ouverture d’une troisième fenêtre dans la salle de classe ainsi que la construction de préaux couverts de 6 m par 3 m dans la cour derrière le mur de soutènement. De plus, le bailleur accordait à l’enseignant le droit d’utiliser le four à pain, de puiser de l’eau à la fontaine et de laver son linge dans la pêcherie. La chambre serait agrandie dans la grange : la commune assumerait, par contre, cet aménagement. L’acte fut signé pour une durée de 10 ans et moyennant la somme de 200 F. 

A partir de 1895, le nombre d’élèves inscrits était considérable : 89 enfants -62 d’Eyburie et 27 de Condat- fréquentaient la classe unique des Canardières ! La municipalité essaya alors de trouver des solutions. Des élus proposèrent de solliciter la commune de Condat pour une participation au paiement du loyer : contribution qui serait proportionnelle au nombre d’enfants qu’elle y envoyait. La salle de classe étant trop exiguë, un autre suggéra plutôt l’exclusion des élèves de Condat. Après délibération, les membres du conseil considérant qu’il était juste que la commune de Condat qui envoyait un grand nombre d’enfants à l’école des Canardières prenne à sa charge une partie des frais de loyer, invitèrent Monsieur le Maire à présenter une demande en ce sens à la municipalité de Condat. Quant à l’exclusion des élèves des communes voisines, ils décidèrent de réserver cette question. Puis, lors de l’assemblée suivante, les conseillers demandèrent au maire de s’informer auprès de l’Administration des conditions requises pour la construction d’une maison d’école destinée à remplacer celle des Canardières.
 
Le 23 mai 1897, une somme de 20 F fut accordée à l’institutrice, Madame Moury pour la dédommager de ses frais de maladie : fatiguée par une classe surchargée, elle avait souvent des ennuis de santé.
 

En 1899, l’école mixte des Canardières était toujours très “encombréeet l’institutrice accusait un âge avancé, les enfants de plus de 11 ans des villages alentour n’étaient donc plus scolarisés. Alors, par deux fois, le 12 février puis le 19 mars 1899, le maire pria l’inspecteur de donner l’ordre aux enseignants de renvoyer tous les écoliers de Condat en raison du manque de place dans les écoles de la commune. Et, le 5 novembre, il put enfin proposer que les élèves de plus de 11 ans de l’école des Canardières soient autorisés à fréquenter les classes du bourg où des places étaient disponibles depuis le renvoi des enfants de Condat ordonné par Monsieur l’Inspecteur. 

L’école des Canardières fut fermée à la rentrée 1902 lorsque celle du Châtaignier ouvrit, elle avait fonctionné pendant une vingtaine d’années dans des conditions bien difficiles.

 



Pierre Counil et Annie Fadernat

Sources : Archives départementales, registres des délibérations du conseil municipal

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